Spoune

Spoune, c'est 2 emails par mois 📩
pour devenir money-smart 💡
Abonnez vous !
Bienvenue à bord ! à très vite dans votre boîte aux lettres.
Oops! Something went wrong while submitting the form.
Recevoir Spoune

Dépenser rend-il heureux ?

Avant de plonger dans les profondeurs de votre portefeuille, tout l’équipe voulait passer une tête pour vous souhaiter les meilleures fêtes de fin d’année possibles. C’est la dernière Spoune de 2021 mais on se retrouve très très vite en 2022 pour d’autres conseils très money et très smart 🤓

Et revoilà le mois de décembre — aka l’aspirateur à argent. On était à peine sortis du Black Friday qu’arrive déjà le grand siphon du shopping de Noël — et il y a de quoi attraper une fièvre (acheteuse) autrement plus sévère qu’une dose de rappel. Rassurez-vous, you are not alone : apparemment, les Français comptent claquer cette année 257 euros en moyenne — en 2020, c’était 249...

Alors, vous avez tout à fait le droit de rendre votre tante heureuse avec un casse-noix sous le sapin. Mais, en cette période bien gloomy, est-ce que les dépenses nous aident véritablement à aller mieux ? L’argent ne fait pas le bonheur, ça, on savait.

Mais est-ce que le dépenser ne nous rend quand même pas un peu plus heureux ?

Merci Spoune, mais le problème vient surtout de cette société de consommation qui nous crée des besoins superficiels qui…

Oui, oui, certes. On en avait déjà parlé, nos cerveaux raffolent de l’achat compulsif : en activant le mécanisme de la récompense, il déclenche un shot de dopamine appelé le « shopper’s high », ou la défonce de l’acheteur — qui, comme son nom l’indique, peut être terriblement addictive.

Mais ce mécanisme primitif ne date pas du beau jour où Coca-Cola a inventé le Père Noël. Pour le comprendre, revenons 4 siècles en arrière, à une autre belle journée : celle où Diderot décide de s’acheter une nouvelle robe de chambre. Ecarlate, soyeuse, confortable… elle est juste sublime. Mais le nouvel habit de Denis est tellement stylé que, dès le lendemain, il jette ses anciens peignoirs. Et il entreprend dans la foulée d’upgrader tout le reste de sa garde-robe…

L’engrenage que décrit Diderot dans Regrets sur ma vieille robe de chambre, c’est celui de l’adaptation hédonique : ce cercle vicieux dans lequel un premier besoin en génère plein d’autres 💸.

L'adaptation hédonique, ou la malédiction du toujours plus

La garde-robe de Denis ? Ce n’était qu’un début. Après son dressing, il fait repeindre ses murs, rénover son bureau et re-tapisser son fauteuil. À partir d’un seul petit achat, notre cher encyclopédiste est pris dans un étrange vortex qu’il décrit ainsi :

« J’étais le maître absolu de mon ancienne robe, me voilà devenu esclave de la nouvelle ».

Ce cercle vicieux, le philosophe américain Thoreau y voyait même, depuis sa cabane au fond des bois, un des principes fondateurs de l’American way of life (quand on ne l’appelait pas encore « société de consommation »). Dans Walden ou la vie des bois, il raconte l’histoire de son voisin, venu en l’Amérique pour y trouver le confort moderne : boire du café, manger de la viande. Sauf que le café et la viande coûtent cher. Pour pouvoir se les payer, son voisin travaille dur. Et pour tenir le coup… il doit boire encore plus de café. Bref : victime de l’adaptation hédonique, il perd sa vie à la gagner.

(NDLR : Thoreau, qui lui ne travaille pas, explique même qu’il a pu consacrer son temps libre à construire sa propre maison — alors que son voisin travailleur est obligé de louer et de rester esclave de son loyer… on dit ça, on dit rien).

🧐 Mwarf Spoune, mais entre un peignoir et une Porsche Cayenne, c'est quand même pas la même...

Méfiez-vous, jeunes gens. Car si « l’effet Diderot » peut paraître ridicule, on y succombe parfois sans s’en apercevoir. On commence par pimper un petit coin du salon. Puis on commande un meuble vintage. Et ensuite d’horribles cruches kitsch pour aller dessus.

Et surtout, chacun de ces achats contribue un peu moins à notre niveau de bonheur…

C’est ce que Ramzig Keuchevan, dans son livre Les Besoins Artificiels, appelle le confort marginal. Ce qu’il dit ? Quand vous achetez un truc trop bien (un appart’ trop stylé ou un livre de Nicolas Mathieu), vous avez l’impression que cela change votre vie. Mais si vous continuez à dépenser dans des choses pas ouf (un pull made in China, un SUV), vous réaliserez que vos achats créent de moins en moins de changements dans votre existence.

En résumé, ça donne ça :

La raison derrière ça ? C’est que dans un monde qui passe son temps à nous inciter à consommer, on survalorise de plus en plus l’acte d’achat… indépendamment du bénéfice réel lié à l’objet de cet achat.

Et on se retrouve parfois à acheter des choses dont on n’a pas du tout besoin…

L'oniomanie ou l'obsession de l'inutile

Faut-il être fou pour acheter un truc dont on a pas besoin ? En 1915, le psychiatre allemand Emil Kraepelin décrit la relation pathologique liée à l’argent et aux achats : l’oniomanie (contraction des mots grecs « vendre » et « folie »). Le syndrome ? Une obsession pour un achat, suivie d’une énorme détresse sitôt celui-ci accompli. En gros, vous êtes surex à l’idée d’acheter une nouvelle paire de sneakers, mais vous pleurez toutes les larmes de votre corps au moment de les mettre chez vous 😭

Pour un oniomane, l'objet de de l’achat n’a pas vraiment d’importance — ce qui compte, c’est l’achat. L’oniomanie toucherait 1,1 % de la population mondiale, surtout aux US. Et son plus célèbre représentant, c’est Johnny Depp, surnommé Johnny « Debt » depuis qu’il a explosé son budget en s’achetant un ranch dans le Kentucky, cinq villas à Beverly Hils ou un atoll aux Bahamas. Sauvage.

Ok Spoune mais 2021 c'était tendu. Si j'ai quand même envie de me faire plaisir, comment on fait hein ?

Oui, oui. On n’est pas là pour vous dire que vous devez forcément vivre comme Pierre Rabhi et sa sobriété heureuse. On veut juste que vous ne tombiez pas dans un engrenage à la Diderot en ayant des regrets. Alors attention, c’est l’heure tant attendue de la boîte à Spoune pour dépenser moins mais mieux.

  • ⭐ Méfiez-vous du « syndrome du jouet brillant » : acheter un nouveau produit provoque une satisfaction passagère. Quand vous aurez envie de changer de téléphone, demandez-vous : « Ai-je vraiment besoin de la toute dernière version ? ». Quels avantages absolument nécessaires j’en retirerais ?
  • 🌎 L’occasion fait le larron : c’est peut-être so 1997, mais acheter Crash Bandicoot d’occase chez Micromania, on n’a pas fait mieux depuis. On ne le dira jamais assez : l’occasion, ça aère le portefeuille tout comme la planète.
  • 💰 Créez des limites de dépenses : la façon la plus efficace d’éviter l’achat compulsif, c’est d’avoir un budget. Avant d’aller faire du shopping, définissez un plafond à ne pas dépasser.
  • 📱 Évitez vos activateurs de dépenses : difficile d’échapper à la pub aujourd’hui, mais on peut y minimiser notre exposition. Rêvasser dans un parc au lieu d’errer dans une galerie marchande. Se désabonner des marques sur les réseaux sociaux et supprimer les applications de shopping de votre téléphone.

Des choses qui ne s’achètent pas ? Sorry Mastercard, mais il y en a encore plus qu’on ne pense. On commet souvent l’erreur de croire qu’on peut satisfaire un besoin spirituel (exemple : être heureux) avec des réponses matérielles (exemple : s’acheter un peignoir).

Spoiler : ça n’a pas marché pour Diderot, et ça ne marchera pas pour vous.

Notre besoin d’absolu, on peut y répondre — non pas en achetant une doudoune Patagonia — mais en l’utilisant, ce qui est aussi beaucoup plus épanouissant à long terme. Alors plutôt que des biens de consommation, ce Noël, préférez les expériences — comme par exemple celles de nos amis de Chilowé, qui proposent des micro-aventures en France : le réveil dans un refuge sous la neige, ça vous change plus les idées qu’un nouveau pull.

Crédits images : Victoria Roussel, Block Magnaye

L'évaporation de la penderie

Donner ne meurt jamais. Dépenser son argent peut aussi signifier le donner. On appelle ça la philanthropie et en 2012, Forbes trouvait son « James Bond philanthrope » en la personne de Chuck Feeney. Depuis qu’il a fait fortune dans les duty-free, cet Américain d’origine irlandaise lâche tellement d’argent que le magazine américain affirme qu’il va finir fauché. En 40 ans, ce bon vieux Chuck, 89 ans désormais, a fait don de plus de 8 milliards de dollars à des organismes caritatifs, des universités ou des fondations. C’est lui, l’inspiration de ses congénères plus connus, Bill Gates ou encore Warren Buffet. Après avoir tout dépensé, Feeney a fermé les portes de sa fondation l’an dernier pour couler ses derniers jours tranquilles avec sa femme. Avec un petit million dans le fond du tiroir quand même.