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Le commerce peut-il sauver le monde ?

Dans les années 70, les hippies chantaient “faites l’amour, pas la guerre”. Aujourd’hui, plutôt que le flower power, les dirigeants européens ont l’air de préférer le banker power :“Faites la guerre économique, pas la guerre militaire”.

Couper Swift plutôt que les ponts ? La dévaluation plutôt que les canons ? Mais au fait, comment mène-t-on une guerre économique ? Les armes financières peuvent-elles être plus dissuasives que les armes physiques ? Et surtout, quel est l’impact de ces sanctions dans un monde hyper connecté ?

Aujourd’hui Spoune devient Sun Tzoune et vous propose un traité exclusif à lire absolument : l’art de la guerre économique.

Le commerce, arme de pacification massive ?

Après la Deuxième Guerre mondiale, le sauveur du monde ne s’appelle pas Eisenhower ou Churchill. Déjà, c’est une sauveuse et son nom est un peu moins sexy : c’est la CECA, aka la Communauté Economique du Charbon et de l’Acier. Son but ? Créer entre l’Allemagne et la France des liens économiques qu’elles ne pourront plus jamais entrer en conflit…

L’idée selon laquelle le commerce (hard ou classique) adoucit les mœurs remonte à loin. Platon en parlait déjà, et Montesquieu disait dans la foulée :

“L’effet naturel du commerce est de porter à la paix.”

Mais comment exactement ? Selon la théorie économique classique de Ricardo, le libre-échange incite les pays à se spécialiser en fonction de leurs ressources. Par exemple :

  • le textile pour l’Angleterre qui a de l’eau et des moutons
  • le vin pour le Portugal qui des vignes et du soleil

En se spécialisant, les pays augmentent leur production… mais ils deviennent surtout interdépendants : chacun a besoin de l’autre pour maintenir son style de vie et personne n’a intérêt à se faire la guerre. Ainsi le commerce devient-il une sorte de Marvel® Captain America qui maintient la paix dans le monde.

(Bon, si vous avez lu notre dernière Spoune, ce n’est pas exactement ce que montrent les travaux de Paul Piff sur le Monopoly…)

Quand l'argent mène à la guerre

Le commerce, vecteur de paix dans le monde ? Bon, ça ne marche pas à tous les coups. Notamment parce que le commerce peut aussi être une arme de guerre en soi.

Exemple ? Début XVIIème siècle, les Anglais se découvrent une nouvelle passion : le thé. En 1820, ils en importent 360 000 T par an à la Chine (l’équivalent de 240 milliards de sachets de 1,5g, tout de même). Problème : la Chine refuse d’importer les biens européens et le déficit commercial de la Couronne se creuse. Pour rétablir l’équilibre, l’Angleterre initie la guerre de l’opium : elle inonde le marché chinois de drogue, générant d’énormes profits et affaiblissant durablement son rival… 

Depuis, l’un des enjeux majeurs de la guerre économique consiste à maîtriser l’entrée des biens sur un territoire donné — notamment grâce aux droits de douane que Trump a par exemple largement utilisés contre la Chine ou le Canada.

Mais la grande nouveauté, c’est que désormais la guerre économique peut avoir lieu partout et tout le temps grâce au principe d’extraterritorialité. Entre 2010 et 2019, par exemple, les entreprises françaises ont payé 14 milliards de dollars aux Etats-Unis au nom du Foreign Corrupt Practices Act.

Son principe ?
Imposer des sanctions économiques lourdes à toute entreprise nuisant illégalement à une entreprise américaine… et ce partout dans le monde, à deux conditions :

  • qu’elle réalise des transactions en dollars
  • qu’elle concurrence même indirectement une entreprise US

Son but ? Renforcer les positions US et fragiliser des entreprises concurrentes pour éventuellement… essayer de les racheter.

Votre prochaine série pref' sur Netflix ?

C’est une histoire de fou dont le producteur de Versailles a déjà acheté les droits : en 2013, le cadre d’Alstom Frédéric Pierucci est arrêté par le FBI en atterrissant à New York. Pourquoi ? Il ne sait pas. Il passera deux ans en prison dans les pires conditions. Le vrai motif, c’était la guerre économique, et en particulier la volonté US de fragiliser Alstom (racheté depuis par General Electric). Pas envie d’attendre la série ? Il y a son best-seller ou cette interview.

Ça, c’est déjà un petit aperçu de la guerre économique en temps de paix. Et évidemment, en temps de guerre (militaire), ça monte encore d’un cran…

La guerre dans la guerre

Face à un conflit armé, la plupart des grandes puissances se donnent un objectif : éviter à tout prix l’intervention militaire et s’en tenir aux sanctions économiques. Problème : dans une économie mondialisée, la dépendance des pays entre eux est si forte que toute sanction économique a nécessairement un effet boomerang (aussi dit : effet de l’arroseur arrosé).

Sanction #1 : exclure un pays du système bancaire (ex : SWIFT)

  • Contexte : Swift, c’est un peu le Whatsapp des banques. Un réseau de 11 000 banques dans 200 pays, qui leur permet d’échanger quotidiennement 40 millions de messages par jour pour un montant de 3 trillions de $.
  • Mesure : contraindre les banques d’un pays à gérer à la mano l’intégralité de ses transactions internationales — soit un travail de titan.
  • Effet boomerang : les banques internationales sont tellement connectées que la mesure impacte aussi leur activité…

Sanction #2 : chercher à dévaloriser la monnaie

  • Contexte : les grandes banques centrales possèdent toutes, un peu partout dans le monde, des avoirs dans d’autres devises. Ces avoirs garantissent la convertibilité de la monnaie et rassurent les investisseurs.
  • Mesure : geler les avoirs extérieurs d’un pays pour suspendre la convertibilité de sa monnaie… et la dévaluer.
  • Effet boomerang : attention, c’est un peu technique. Si une banque centrale rembourse sa dette au moment où sa monnaie se dévalue, elle paie plus cher. Mais le créancier, une fois remboursé, aura intérêt à stabiliser la monnaie reçue s’il ne veut pas perdre d’argent lui aussi…

Sanction #3 : l’embargo

  • Contexte : dans une économie mondialisée, tous les pays reposent les uns sur les autres pour importer ou exporter des matières premières ou des produits transformés (cf Ricardo un peu plus haut).
  • Mesure : un pays A peut choisir de couper ses importations pour priver le pays B de l’influx de devises étrangères.
  • Effet boomerang : le pays A risque, comme le pays B, de subir des pénuries qui augmenteront les prix et génèreront de l’inflation.

L'embargo-go ?

Et si les embargos ne servaient à rien ? Les exemples, ce sont l’Iran qui subit un embargo depuis 40 ans, ou Cuba depuis 60 ans… sans que les gouvernements en place n’aient évolué d’un iota. Ah, si : les Cubains, n’ayant pas d’industrie automobile, ont gardé celles qu’ils avaient en 1962, avant l’embargo américain. Du coup, ils ont de belles voitures… et ils sont aussi devenus des supers mécanos.

Bref, dans une économie globalisée, toute sanction a un effet boomerang, et il y a forcément des dommages collatéraux.

Okay Sun Tzoune : ça veut donc dire que dans la guerre économique, je ne peux blesser l’ennemi sans me blesser moi-même ?

Exactement. La vraie question, c’est “est-on prêt à accepter le coût des sanctions ?”. Là encore, la question s’est déjà posée par le passé, ainsi que le rappelait récemment Paul Krugman, Prix Nobel d’éco 2008, dans le New York Times. En 1861, quand le Sud des Etats-Unis entre en guerre contre le Nord, ils sont persuadés d’avoir un atout maître : leur relation commerciale avec l’Angleterre.

À l’époque, elle est en pleine révolution industrielle et les grands moulins de Manchester tournent à longueur de journée pour filer le coton des Etats du Sud… qui est récolté par les esclaves. Mais les ouvriers anglais en décident autrement. Plutôt que de cautionner l’esclavage, ils préfèrent fermer les usines, déclenchant un ralentissement économique dont ils sont les premières victimes. L’effet se fait rapidement sentir : privé de cette manne financière, le Sud est exsangue et capitule. Et les moulins de Manchester se remettent à tourner…

Cette question, c’est aussi celle qui se pose aujourd’hui entre les partisans de couper le robinet énergétique russe… et ceux qui ne peuvent s’y résoudre, de peur d’avoir à en subir les conséquences.

Ok Spoune, mais pour moi ça change quoi ? Est-ce que je dois mettre mon épargne à l’abri ?

On vous le disait plus haut : tout est connecté. Donc oui, la guerre économique impacte tout le monde, et il est encore difficile de prédire ce qui se passera à moyen terme. Le mieux, c’est encore d’aller consulter notre Guide de l’investisseur pessimiste — et d’anticiper pour trouver la stratégie qui convient à votre niveau d’optimisme. Puisque, comme disait Sun Tzu (le vrai, cette fois) :  

“Le bon général a gagné la bataille avant de l'engager.”

Conclusion

Pendant les Trente Glorieuses, la guerre économique était purement politique : elle accompagnait des mesures de rétorsion contre des pays dits “ennemis”. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas et la guerre économique n’a pas attendu l’invasion de l’Ukraine pour sévir en Europe. Mais pourquoi donc ? Parce qu’en période de stagnation globale comme aujourd’hui, la seule manière de croître est au détriment des autres : si on boit plus de Coca, on boit forcément moins de Pepsi. Et pour notre pauvre planète qui aurait bien besoin qu’on consomme parfois un petit peu moins, voici un obstacle supplémentaire à franchir : tout le monde est d’accord pour une croissance raisonnée. Mais surtout chez les autres...

L'évaporation de la penderie

Ouch, ça fait mal. Il y a un an, tout le monde s’extasiait devant le coup de maître de celui qui avait acheté le NFT du premier tweet de Jack Dorsey pour la modique somme de $2,9 millions. Une affaire pour ce que l’heureux acquéreur décrit aujourd’hui encore comme “la Mona Lisa de l’art digital”. Grand amateur d’art mais aussi d’argent, il a mis le NFT aux enchères pour $48 millions la semaine dernière — dont la moitié devait aller à des œuvres de charité. Sauf qu’après une semaine, les enchères plafonnent toujours à… $280. Tout court. Sans autre zéro derrière. C’est-à-dire 171 428 fois moins que le montant estimé. Bref, c’est ce qu’on appelle un flop magistral.