J’arrive systématiquement à la fin de l’année, uniquement quand on a été bien sage, mais parfois aussi les gens doutent de mon existence, je suis, je suis … ? 🧐
Le Père Noël ? Raté ! On parle évidemment de l’augmentation de fin d’année — cet énorme tabou de nos conversations entre collègues pendant le mois de décembre, et qui n’est que l’un des nombreux interdits autour du sujet de l’argent en France.
Alors si vous pensiez vous pointer à votre entretien annuel comme on accroche sa chaussette à la cheminée, en attendant gentiment que votre boss veuille bien déposer des Schokobons à l’intérieur... ACHTUNG ! Vous allez au devant d’une déconvenue encore plus cruelle que la non-existence du Père Noël....
Pour vous éviter que votre augment’ de fin d’année ne soit qu’un joli conte de Noël, aujourd’hui, on transforme la fable en histoire dont vous pouvez être le héros. Comment ? Grâce à notre kit d’urgence pour obtenir votre augmentation de fin d’année. Et, du coup, passer vraiment de bonnes fêtes🎄.
Mais avant ça, posons une question :
Votre augment’, est-ce que vous la valez bien ?
On y répond avec une fable qui n’a rien à voir avec Noël, la fable de...
Zidane et les enveloppes 💌
Quand vous étiez petit, le Père Noël regardait si vous aviez été sage pendant l’année. Puis, en fonction de votre score de caprices et autres destructions de jouets de votre petite sœur, il décidait de vous apporter plus ou moins de cadeaux. Dans le monde du travail, c’est un peu pareil : votre boss va vous attribuer une « valeur » en fonction de laquelle il vous accordera un salaire plus ou moins important. Le hic ?
C’est qu’on se trompe souvent sur les vrais critères qui définissent notre valeur au travail.
La preuve : imaginons que Zidane ait quitté le monde du foot ⚽ pour celui… des enveloppes (bah oui, après tout, il est sur le marché…). Il se fait donc recruter dans une boîte en pleine croissance où, toute la journée, il met des prospectus dans des enveloppes. Comme c’est Yazid, il fait ça super bien. Arrive la fin d’année, et la question de son augmentation.
- D’un côté, l’employeur voudra payer Zinedine à hauteur de la valeur du job — pas beaucoup plus que le SMIC.
- De l’autre, Zidane voudra être payé à hauteur de sa valeur en tant que personne (parce que c’est Zizou, quoi) 💸
Résultat ? Zizou aura beau être Zizou, il sera payé le SMIC 😱 Eh oui : la première vraie seule question à prendre en compte pour réussir votre négo’ salariale, c’est celle de la valeur que vous apportez à l’entreprise — et celle-ci n’a parfois rien à voir avec votre valeur personnelle.
Détendez-vous, pas besoin d’être le meilleur joueur de foot au monde pour pouvoir prouver votre valeur. Des arguments pour négocier, il y en a plein d’autres. Pour les identifier, il faut simplement procéder à un petit exercice de dissection : l’anatomie d’un salaire.
Anatomie d'un salaire
Le tabou autour des salaires en France vient aussi du fait qu’on ne sait pas vraiment de quoi il est fait. Alors, entrons dans le coffre du calcul d’un salaire dont le montant, en gros, dépend de 4 points :
- Votre valeur pour l’entreprise : à quel point votre fonction (et non votre petite personne) est-elle importante pour la boîte ?
- Votre diplôme/parcours : à quel type de salaire pourriez-vous prétendre ailleurs ?
- La pression concurrentielle : êtes-vous vraiment indispensable ?
- Eventuellement, votre relation avec votre manager : parce qu’on est human after all.
Cela étant dit, existe-t-il une équation miracle pour définir le niveau de salaire juste pour un poste donné ?
Vous nous en voyez désolés car vous savez à quel point on kiffe les équations, mais la réponse est… NON. Mais pour l’expliquer, à la place, on a un beau graph :
Ce que ça montre ? À chaque promotion, vous entrez dans une période d’adaptation et d’apprentissage pendant laquelle, clairement, vous risquez de scorer contre votre camp. Ensuite ? Vous arrivez dans une période de confort où, au contraire, vous maîtrisez et pourriez marquer les yeux fermés. Et c’est justement à ce moment-là, quand votre “rendement” pour l'entreprise est le plus élevé, que vous n’aurez qu’une hâte : obtenir votre prochaine promotion (eh oui : quand c’est trop facile, on s’ennuie). Votre progression à l’intérieur d’une entreprise est donc une succession de situations dans lesquelles vous êtes alternativement :
- Sous-compétent et sur-payé parce que vous venez de prendre un nouveau poste ;
- Sur-compétent et sous-payé parce que vous faîtes le même travail depuis très (trop) longtemps.
Vous et votre manager avez donc deux intérêts contradictoires :
- Vous cherchez à avancer au maximum le moment à partir duquel vous êtes payé au-dessus de votre valeur — c'est-à-dire à être augmenté dès que possible.
- Votre employeur cherche à prolonger autant que possible le moment où vous êtes payé en dessous de votre valeur — pour vous augmenter le plus tard possible.
Et c'est là que commence... la négo'.
Parenthèse variable
Vous l’aurez remarqué : on n’a pas abordé la question du variable. Pourquoi donc, nous direz-vous ? Parce que c’est globalement une bad idea. Quand ça va mal dans une boîte, tous les mauvais managers du monde le proposent... invariablement. S’ils connaissaient la théorie de la crèche, ils éviteraient peut-être...
Dans toutes les crèches du monde, les parents arrivent en retard pour chercher leurs enfants… c’est comme ça. Un beau jour, une crèche a voulu tenter une expérience : facturer $50 chaque retard. Ce que ça a donné ? Les retards n’ont pas diminué, comme espéré. Au contraire, ils ont explosé. Tout simplement parce que la motivation monétaire n’est pas toujours la plus efficace.
C’est pareil avec le salaire variable :
- Dès qu’on paye les gens pour faire quelque chose qu'ils faisaient gratuitement (ou presque), ils le font moins bien.
- Le variable individuel crée invariablement (bis) des rivalités individuelles qui finissent par nuire au collectif.
La parade ? Le variable collectif type BSPCE (Bons de Souscriptions de Part de Créateurs d’Entreprises) ou stock options : en associant les salariés au capital de la boîte, on s’assure que tout le monde profite de la réussite en cas de revente ou de levée de fonds.
“OK Spoune, mais sinon, comment est-ce que je l’obtiens, mon augment’ ?”
On y vient avec notre… Boîte à Spoune
Réussir sa négo
Pour les salariés, le monde de la négociation se divise en deux catégories :
- Ceux qui demandent toujours plus
- Ceux qui ont toujours peur de demander trop
Evidemment, ce sont les premiers qui sont le plus significativement augmentés, comme le résume ce graph :
Alors quelques conseils pour ne plus être dans la 3e catégorie 💰 :
- Partez toujours des besoins de la personne en face. Ne commencez surtout pas par parler de vous ou de vos prétentions salariales.
- Utilisez le biais d’ancrage (ou technique de l’ancre) : en négociation, le premier montant annoncé définit le point de départ de votre négociation, qui va évoluer en moyenne 20 % autour de ce montant. Corollaire : plus vous commencez bas, plus vous finirez bas.
- Comme pour le Brexit, no deal is better than a deal. N’acceptez pas la première proposition venue.
- Neutralisez les affects. Focalisez-vous sur les faits, pas sur vos sentiments, même si une proposition vous paraît indécente.
- Votre ressenti n’est jamais un argument, vos projets de vie non plus : oui, votre employeur se fiche que vous comptiez acheter un appart’.
- Coupez-leur l’herbe sous le pied. Si vous vous attendez à des critiques, anticipez et reprenez-les à votre compte.
- Vous avez un sentiment d’inégalités vis-à-vis d’autres salariés ? Demandez-vous ce que valorise l’entreprise : exigences, relationnel, performance...
Vous voilà paré pour votre future négo’ ?
En réalité, pas complètement... Parce que dans cet exercice délicat, le salarié part tout de même avec un gros désavantage par rapport à son N+1 : l’asymétrie d’information. Par définition, votre manager va évidemment devoir négocier avec tous vos autres collègues —et à moins que vous ayez opté pour une politique de transparence salariale totale dans l’open space, il y a fort à parier qu’il en saura beaucoup plus long que vous. La bonne nouvelle ? Cet avantage, il ne tient qu’à vous de le dissiper —par exemple en motivant vos collègues à partager les infos et vos demandes respectives. Vous pourrez préciser vos attentes, mieux affûter vos arguments, et surtout…vous contribuerez à briser le tabou de l’argent en France. Et ça non plus, ce n’est pas le Père Noël qui va le faire à votre place…
Crédits images : Blok Magnaye, Clémence Barbier, Joanna Gniady