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Les billets verts sont-ils green ?

La finance peut-elle être durable ?

Ô, soleil noir. Ô, douce violence. Ô, illustre inconnu. Ô, finance durable. Le point commun de ces expressions ? Ce sont des Ôxymores (Ôui, c’est fait exprès) : la mise côte à côte de deux expressions foncièrement contradictoires.

Et voici donc la question à quelques milliards d’euros du jour : parler de finance durable, est-ce un oxymore ?

Note : Attention, grosse promo sur les acronymes dans cette Spoune ! Huit acronymes offerts pour une Spoune lue.

Euh Spoune, j’ai l’impression que la question elle est vite répondue, non ?

C’est un peu court, jeune Spouneur. La finance, ce n’est pas que les subprimes, Bernie Madoff ou FTX (acronyme #1). La finance sociale, ça existe même depuis un bail :

  • 1637 : Louis XIII autorise la création du Mont-de-Piété qui file accès au crédit à tous les Parisiens (y compris aux pauvres) 👑
  • 1894 : La loi sur les habitats bon marché prévoit que 20 % des fonds du Livret A financent le logement social 🏢
  • 1983 : création du CODEVI (acronyme #2), ancêtre du Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS acronyme #3) 🌎


Ah, les années 80. Bizarrement, on s’en souvient moins comme la décennie du LDDS que celle de l’ultra-libéralisme du film Wall Street (“Greed is good !”). Car oui, depuis les années 80, la finance file un plutôt mauvais coton :

  • un éloignement de l’économie réelle et un poids de plus en plus important du marché secondaire (aka la spéculation) : selon Patrick Artus, en 2018, le secteur de la finance pesait 4 fois le PIB mondial (acronyme #4) – 400 000 vs 90 000 milliards de dollars.
  • le règne de la shareholder primacy : une théorie (que certains prenaient même pour une loi) selon laquelle une entreprise doit toujours chercher à maximiser la valeur de l’action y compris au détriment de l’intérêt général (coucou les externalités).


Le résultat ? C’est le bilan pas glop de l’économie mondiale des 20 dernières années :

  • moins de croissance 📉 : depuis 10 ans, la croissance française moyenne est inférieure à 1 % (sauf rattrapage post-Covid).
  • de la pollution 🌫️ : puisque les bandes du réchauffement rougissent autant que nous après un week-end de canicule en mars.

Alors Spoune, noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir ?

Non, tout n’est pas perdu ! On a mieux que l’espoir : la compta. Vous avez bien lu ! Car comme le dit Eva Sadoun dans l’excellent Une Economie à nous :

“Le cerveau du capitalisme, c’est sa comptabilité”.

Le grand enjeu des prochaines années, ce sera celui-ci : créer une triple comptabilité qui parvienne à mettre sur le même plan l’économique, le social et l’environnemental dans l’évaluation de la performance des entreprises.

Boring ? Oui un peu, et pourtant on n’a pas encore sorti nos plus beaux acronymes :

  • En Europe 🇪🇺 : la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive acronyme #5) imposera progressivement à partir du 1er janvier 2024 à 50 000 entreprises européennes de faire un reporting de durabilité basé sur les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG acronyme #6).  
  • Aux US 🇺🇸 : la même team qui a produit les normes IFRS (normes comptables appliquées dans le monde entier – acronyme #7) se penche en ce moment sur un ISSB (International Sustainability Standards Boardsacronyme #8, le dernier !), avec Emmanuel Faber à sa tête.

Dans les deux cas, le but est le même : créer un système harmonisé pour évaluer la performance extra-financière des entreprises… et espérer que les marchés les prennent en compte.

(Et là, la fée comptabilité aura sans doute besoin d’un coup de pouce de la nymphe régulation : sans lois, pas sûr que ces belles normes comptables aient beaucoup d’impact…).

L’alternative à la régulation ?

C’est l’évolution de nos modèles d’entreprises, par exemple en devenant B-Corp. B-Corp, c’est quoi déjà ?Aux origines de B-Corp, il y a deux piliers :

  • des vidéos de basket 🏀 : les AND1 mixtapes, du nom d’une marque de chaussures très stylées (devenue en 10 ans 2ème du marché US derrière Nike) créée par trois fondateurs bien en avance sur leur temps (adeptes de l’actionnariat salarié, des dons aux assos et du bien-être au travail).
  • des actionnaires un peu trop profit-centered 💰 : en 2006, les fondateurs revendent. Patatras : les nouveaux actionnaires sacrifient qualité et avantages sociaux pour booster la marge.

Pour éviter que ça se reproduise ? Les 3 fondateurs décident de créer un modèle d’entreprise au service de l’intérêt général : la Benefit Corporation, qui tient pour l’instant plus de la goutte d’eau 💧 que du tsunami 🌊 :

  • 5 000 entreprises B-Corp dans le monde

T’inquiète Spoune, ça va changer : j’ai blindé mon LDDS !

Ah, l’investissement vert ! Pour l’instant, c’est encore un perma-potager pas très bien maîtrisé avec pas mal de mauvaises herbes :

  • LDDS : seulement 21 % de ses fonds vont vers des vrais projets écologiques 😢


Ce dernier constat a d’ailleurs déclenché un sacré ménage de printemps dans le petit monde de la finance verte. Jusqu’à récemment, les fonds d’investissement définissaient eux-mêmes le niveau de durabilité de leurs produits entre deux types :

  • les plus exigeants, dits “article 9”
  • les un peu moins exigeants, dits “article 8”

Et bizarrement, quand l’Europe a annoncé un renforcement des contrôles, plein de produits d’investissement sont passés de “article 9” à “article 8”. Badant ? Un peu, mais c’est comme sur le Tour de France : quand les tricheurs tombent, c’est que la lutte anti-dopage progresse 💪

Et si vous ne voulez pas attendre ? On a listé quelques pistes pour se mettre à la finance verte dès maintenant dans notre Boîte à Spoune du jour.

Boîte à Spoune

  • Rift, le Yuka de la finance durable, pour ne plus vous faire avoir quand vous investissez.
  • Lita, pour mettre votre épargne au service de la transition.
  • Les banques durables : comme La Nef, Greengot qui privilégient un engagement de long terme et un vrai soutien à l’économie réelle. Pour les plus chanceux, ça existe aussi en banque privée comme chez la Banque Wormser Frères.
  • Goodvest, l'assurance-vie engagée et responsable.
  • Les boîtes ultra-engagées qui changent le modèle de réussite des entreprises : Patagonia ou Loom.

Et pour découvrir d’autres boîtes qui donnent foi en l’économie durable, il y a bientôt le salon ChangeNow : on vous a même dégoté quelques places à -20% avec le code SPOUNENOW20%_CN23.

La finance peut-elle être durable ? La réponse est sans doute “potentiellement oui”. La vraie question, c’est plutôt “d’ici combien de temps ?”. Car la maison commune de notre économie brûle, et on aurait besoin d’un bel extincteur – avec ou sans acronymes dessus.