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Les gens beaux sont-ils plus riches ?

Pour bosser dans le cinéma ? Ça aide. Se lancer dans la chanson ? Ça fait pas de mal. Devenir journaliste TV ? C'est toujours mieux qu'un “physique de radio”. Dans plein de secteurs, avoir un physique avantageux est presque un pré-requis professionnel. Mais est-ce que ce n’est pas le cas partout ? Les gens beaux sont-ils vraiment plus successful ? Si vous hésitez à passer chez le coiffeur avant votre prochain entretien d’embauche, voici une Spoune spéciale “Salaire, gloire et beauté”.

Alors ? Combien ça rapporte d’être beau ?

Disclaimer : on est d’accord, la beauté, ça ne veut pas dire grand-chose en soi et ça dépend complètement, des pays, des époques ou des gens. Les études dont on parle ont chacune utilisé leur propre définition de la beauté - avec toutes les limites inhérentes à la démarche. 

C’est moche, mais oui : être beau, ça paye

Les faits sont là : d’après Beauty and the Labour Market, une étude de 1994 publiée dans la très prestigieuse American Economic Review, les employés plus beaux que la moyenne gagneraient entre 10 et 15% de plus.

Trois mécanismes expliquent le phénomène : 

  • La discrimination par le client, akaJe vais attendre pour acheter à la vendeuse aux yeux bleus
  • La discrimination par l’employeur, akaJe n’embauche pas les moches
  • La ségrégation par emploi ou le fait de réserver certains emplois (les mieux payés) à certaines catégories de population (les plus beaux) , aka l’effet Abercrombie.

Ces trois effets peuvent être analysés séparément. Mais le plus souvent, ils se combinent entre eux. Exemple :

Mais alors… Spou-roir, mon beau spou-roir, dis moi qui est le plus successful ?

Eh oui, après le racisme et le sexisme… il y a aussi le “lookisme”, ces préjugés qui s’appliquent en fonction de la beauté. Car la beauté ne paye pas seulement sur le marché du travail. En 2013, l’économiste Daniel Hamermesch invente dans son livre Beauty Pays la pulchronomyaka l’économie de la beauté (du latin pulcher, beau). Dans son travail (qui, précisons-le, se base uniquement sur la beauté des visages, et non des corps), il montre qu’un individu jugé beau a en général un meilleur job, un prêt à taux plus bas, un conjoint plus éduqué…Selon une autre étude, la “prime à la beauté” marcherait même en prison : les personnes jugées laides écoperaient de peines de prison 20% plus lourdes que la moyenne 😰 Petit soulagement, plus la faute est lourde, moins l’impact du physique semble important (Ted Bundy en a fait les frais).

Mais d’où vient donc cette prime à la beauté ?

Toujours dans Beauty Pays, Hamermesch explique que la beauté est aussi corrélée au Big Five, ces cinq caractéristiques souvent associées à la réussite professionnelle : ouverture à l’expérience, caractère consciencieux, extraversion, souci d’être agréable et... instabilité émotionnelle (eh oui !). La prime à la beauté ne viendrait donc pas de la beauté en soi, mais plutôt des qualités que les gens beaux développent en grandissant…

Et la prime à la mocheté ? Dans des travaux de 2017, le psychologue Satoshi Kanazawa et la sociologue Mary Still ont montré que les individus jugés "très laids" bénéficiaient en moyenne d’un revenu supérieur à ceux jugés juste "laids" 🧐 Ils n’ont en revanche pas réussi à expliquer le phénomène…

Bah quoi ?
Ce privilège de la beauté contrarie votre sens du mérite et de l’égalité ? Pourtant, personne ne s’étonne qu’un cabinet d’avocat n’embauche que des personnes ayant fait cinq ans d’étude… alors qu’on sait depuis Bourdieu que les études supérieures et les diplômes sont des “qualités héritées”… comme la beauté.  En mettant la morale de côté, serait-ce si mal d’obtenir de l’argent ou du succès grâce à sa beauté ? Est-ce que finalement, ce ne serait pas une ressource hyper démocratique, bien plus que la culture ou le savoir ? Et qui permet d’ailleurs aux influenceurs et influenceuses de surfer sur un marché de 15B$ ?  

Pourtant, on vous déconseille de trop investir dans votre apparence.

Et on a même de très bonnes raisons : 

  • Si ça peut rapporter gros, ça coûte surtout un max, surtout si vous êtes une femme. En 2002, dans The Beauty Myth, l’écrivaine et militante américaine Naomi Wolf montre que la vague du féminisme des 60’s a été suivie d’un gros backlash dans 80’s. Après avoir gagné l’indépendance économique et la maîtrise de leur fécondité, le retour du bâton a pris la forme d’une pression constante sur le physique des femmes, enfermant les femmes dans des préoccupations qui leur font perdre leur temps et leur argent.
  • Un peu comme les jambes d’un footballeur, la beauté ne dure pas. Et si on a trop misé dessus, on peut se retrouver le bec ravagé par de mauvais chirurgiens esthétiques. Linda Evangelista, mannequin star des 90’s, a même attaqué le sien en justice après une série d’opérations ratées. Bonne nouvelle, elle vient de faire son grand retour en couv’ de Vogue (pendant que Stéphane Guivarc'h, champion du monde 98, vend toujours des piscines).
  • Vouloir être beau, c’est souvent se conformer aux normes de la beauté et oublier sa singularité. C’est la triste histoire de l’actrice Jennifer Grey. Malgré le succès phénoménal de Dirty Dancing, elle décide de se faire refaire le nez, qu’elle juge trop grand. Résultat : plus personne ne la reconnaît et sa carrière s’effondre 😭
  • Et puis, est-ce vraiment si rentable ? 10 à 15% de plus à la fin du mois, c’est beaucoup mais ce n’est rien comparé au premium lié aux études : en France, le salaire médian des personnes ayant bac +3 ou plus est 50% plus élevé que ceux qui n’ont obtenu que le bac. Entre la formation SQL et la lipo, on recommande donc fortement le choix #1.

D’autant plus que la tyrannie de l’apparence dirige déjà suffisamment nos vies…

… à commencer par nos relations amoureuses, avec de lourdes conséquences sur votre portefeuille.

Si Match, la maison mère de Tinder et Meetic a réalisé 806 millions de dollars en 2021 (+24% sur un an quand même…), c’est grâce à tous ceux qui, conscients de ne pas pouvoir tout miser sur leur photo de profil , n’hésitent pas à sortir la CB 💳 D'ailleurs, comme l’a prouvé Judith Duportail dans L’amour sous algorithme, si vous êtes un homme, sans options payantes, votre taux de succès est de 2% (contre 50% pour les femmes). Gloups.

Et grâce à Instagram, la dévalo et les complexes d’infériorité s’invitent chez toutes et tous (mais surtout toutes), célib ou en couple, sans discrimination. Comme le dit Marina Rollman, il n’y a pas que des hommes hétéro qui passent des heures à admirer le corps parfait d’Émily Ratajkowski sur Insta. Il y a aussi plein de femmes féministes qui, comme l'humoriste, finissent par se dire : “je continue à m’épiler, à me mettre des crèmes, à faire des régimes… mais là je le fais pour MOI.”

Ok Spoune mais si on voulait un discours moralisateur sur la superficialité des réseaux sociaux, on serait juste allés déjeuner chez nos parents.

Mais non, l’idée n’est pas du tout de dire “c’était mieux avant” ! Seulement de rappeler que tout nous pousse à consacrer beaucoup de temps et beaucoup d’argent dans une quête sans fin. Combien ? Précisément 40 minutes par jour en moyenne pour les femmes rien que pour se maquiller et se démaquiller, le temps d’appliquer les 9 produits qu’elles utilisent quotidiennement pour leur visage. Rien d’étonnant que le secteur de la beauté ne connaisse pas la crise avec une croissance de +5% par an…😱 Alors pour s’armer intellectuellement contre cette tyrannie de la beauté qui enferme les femmes et les maintient dans une position sociale et intellectuelle subalterne, on lit :

  • Beauté Fatale de Mona Chollet (qu’on ne présente plus)
  • Dans le palais des miroirsla BD de la géniale autrice suédoise Liv Strömquist.
  • Liking What You See : dans cette nouvelle de science-fiction, Ted Chiang imagine un procédé médical appelé “calliagnosia” qui permet d’insensibiliser le cerveau à la perception de la beauté… La nouvelle raconte l’histoire d’un étudiant qui a suivi le traitement, mais souhaiterait faire machine arrière…

Conclusion

En gros, il y a deux cas : soit vous êtes satisfait de votre physique, soit vous ne l'êtes pas. 

  • Option 1 : vous en tirez probablement des avantages financiers et on est hyper heureux pour vous. 
  • Option 2 : rien ne dit que faire disparaître cette ride de votre front aura un quelconque impact sur votre fiche de paie. En revanche, tout démontre que c’est la confiance en soi qui est déterminante, bien plus encore que la beauté réelle. 

Or passer des heures devant un miroir ou claquer un SMIC chez Séphora ne risque pas d'accroître votre assurance, bien au contraire. Comme le dit le mannequin superstar Miranda Kerr, “de mon expérience, les mannequins sont parmi les personnes qui ont le moins confiance en elles”. On vous laisse méditer… 😊

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L'évaporation de la penderie

Suffit-il d’être beau pour matcher sur Tinder ? Pas exactement... Comme l’explique la Judith Duportail dans L’amour sous algorithme, Tinder accorde à chaque utilisateur une “note de désirabilité” calculée à partir : du nombre de likes du profil (ok, fine), du niveau de revenu (connu grâce au Facebook connect)... et du QI (déterminé à partir du niveau de langage). Une fois la note attribuée, Tinder utilise la fameuse méthode de l’endogamie : les beaux avec les beaux, les riches avec les riches, les smarts avec les smarts. Et inversement… Mais Tinder ne s’arrête pas en si bon chemin. Si vous avez un haut niveau de revenus, cela viendra augmenter votre score de désirabilité si vous êtes un homme… et le faire baisser si vous êtes une femme 😠 Le patriarcat a de beaux jours devant lui.