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Réussir, ça veut dire quoi ?

Ouuuuh, la grosse question qui tâche. Mais vous savez combien on aime les gros points d’interrogation chez Spoune.

Cela dit, avant de viser la lune, commençons par faire un petit retour en arrière au début de notre civilisation. Succès garanti.

Vous connaissez Pyrrhus ? Non, ce n’est pas une nouvelle marque de vaccin, mais l’ancien roi d’une région de la Grèce antique dont le nom est aujourd’hui associé aux toutes petites victoires. De celles qui s’obtiennent au prix de si lourdes pertes que Pyrrhus dira lui-même :

« Encore une victoire comme celle-ci, et nous serons irrémédiablement perdus ».

Des siècles plus tard, ce qu’on appelle dorénavant « la victoire à la Pyrrhus » pourrait en partie expliquer notre conception un peu bi-goût de la réussite.

🍓 Côté fraise, celles et ceux qui voient le verre à moitié vide et considèrent que seul le triomphe final compte.
👉 Après tout — attention spoiler — Pyrrhus mourra égorgé, après avoir reçu une tuile qu’une vieille femme lui lança sur la tête. D’où : « la tuile ».

🌼 Côté vanille, celles et ceux qui regardent le verre à moitié plein et partent du principe qu’on savoure ces victoires, même lorsqu’elles sont minuscules.

Albert Moukheiber est plutôt vanille. Le docteur en neuroscience et auteur du livre, Votre cerveau vous joue des tours, nous l'explique :

"La réussite ne suit pas une progression linéaire."

Inutile donc de calquer notre succès sur quelque chose qui adviendra dans 10 ou 15 ans puisqu’il existe un « plafond de la réussite » au-dessus duquel nous ne mesurons plus grand-chose. Il s’agit alors d’être le Pyrrhus de ces moments de furtif kif, qu’on appelle aussi « quick wins », que ce soit le bouclage d’une prez compliquée ou le fait d’avoir enfin su dire « non » à votre boss.

Ok Spoune, mais c’est quoi la hauteur de plafond de la réussite alors ?

Il y a deux façons de mesurer et donc, de voir les choses :

1. Déterminer un seuil.

En ce qui concerne l’argent, on le dit et le redit, le seuil du bonheur a été fixé à 75 000 dollars par an, par le prix Nobel d’Économie 2002 Daniel Kahneman. Voilà, c’est comme ça. Au-dessus, vous passez votre vie à la gagner jusqu’à vous rendre malheureux parce que vous ne faites plus ce qui compte le plus pour votre bien-être émotionnel : s’occuper de ses proches, profiter de ses loisirs etc.

2. Arrêter d’associer la réussite à l’argent.

Non seulement la réussite n’est pas linéaire mais elle devient absurde si elle est calculée en fonction d’une valeur qui tombe à la fin du mois.
Le truc, c’est que votre cerveau, il adore ça les calculs. Ça lui permet de vous raconter des histoires et même d‘inventer des formules factices, du genre :

Salaire de base x multiplicateur à l’infini = bonheur


Or, pour Albert Moukheiber, c’est surtout un numéro de flûte. Car si vous gagnez 10 fois le SMIC, 100 fois le SMIC ou (coucou Jeff ) 1000 fois le SMIC, quelle différence ? Au lieu de vous rapprocher du bonheur, cette formule vous fait miroiter une réussite qui n’existe pas. Un peu comme un jeu infernal où la chose que vous voulez embrasser s’éloigne à mesure que vous vous en approchez. Sale histoire…

D’accord Spoune. Mon cerveau essaie de m’embrouiller mais comment je peux filouter en retour ?

Il y a plusieurs astuces. Mais la plus simple selon le docteur en neuroscience est surtout d'arrêter de croire que la réussite se calque sur un principe d’ascension permanente vers le bonheur.
La preuve ?

À l’époque, votre premier SMIC vous a sans doute rendu plus heureux que votre dernière augmentation.

Dit autrement, le bonheur est le résultat de cette ascension, pas sa destination.

En parlant d’ascension...

On dit souvent qu’être heureux c’est avoir la tête dans les nuages. Ça tombe bien, feu le prêtre jésuite et philosophe du début du XXème siècle, Pierre Teilhard de Chardin utilise une métaphore aérienne pour nous faire comprendre sa théorie du bonheur. C’est l’histoire de trois groupes d’alpinistes qui se dirigent en même temps vers le sommet d’une montagne.
     👉 Le premier est un groupe de pessimistes qui sont habités par la crainte et le doute. Ils se diront direct : « À quoi bon ? ». Et resteront au refuge.
     👉 Le deuxième est celui des bons-vivants qui veulent vivre l’instant présent sans trop d’effort et sans trop se préoccuper de l’avenir. Ils s’arrêteront dans un pâturage pour profiter du paysage.
     👉 Le troisième est la team déterminée, pour qui vivre est une ascension et une découverte. Ils atteindront le sommet.

Cool, Spoune. Mais j’ai pas vraiment prévu de faire le K2 cette année.

Donc comment je fais pour toucher du doigt le bonheur sans me prendre pour Bear Grylls ?

Ce que nous dit notre cher prêtre jésuite dans sa théorie du bonheur, c’est qu’il en existe trois :

  • Le bonheur de condition : je suis allongé sur la plage, je suis bien.
  • Le bonheur de destination : je me suis donné rendez-vous là dans 10 ans.
  • Le bonheur de transformation : je veux progresser, parce que le changement, c’est kiffant.

Et encore, on est gentil. Il existerait peut-être autant de visions du bonheur qu’il y a de visions de la réussite. Nous ne sommes pas là pour donner une conception unique du bonheur car chacun a sa propre conception du but à atteindre et des moyens pour y arriver.

Il suffit juste de partir en vacances avec des potes pour s’en apercevoir...

Ok mais admettons que j’ai quand même envie de savoir comment je peux appréhender la réussite.

C’était quand même la question, à la base…

Et vous avez raison, jeunes freluquets. Même si on botte en touche pour donner une définition universelle de la réussite, il y a quand même deux ou trois trucs qui pourront vous aider :

1. Jouez-là comme Pyrrhus.

Célébrez bien vos succès, aussi minimes qu’ils soient, pour éviter d’être déçus par une réussite plus grande encore.

2. Détendez-vous.

En plus de ne pas s’acheter, le bonheur peut aussi venir sans rien changer. C’est Gretchen Rubin, l’autrice américaine, qui le dit. Et petit spoiler sans pression : ça commence par chanter sous la douche.

3. Observez l’instant présent.

Considérez les actions qui n’ont pas forcément de fin en soi pour profiter du chemin parcouru et de toutes ces petites choses qui vous ont conduites là où vous êtes.

Conclusion à succès

Si on est tenté de conclure en normand et donner raison à tout le monde, il faut s’accorder sur un point : Anna Karénine avait tort. Hérésie de penser que “toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l'est à sa façon.”

Au contraire ! Si quelque chose ressort de notre petit parcours, c’est qu’il n’y a pas meilleur moyen d’être malheureux que de poursuivre un modèle universel de bonheur et de réussite – que ce soit un nombre d’euros, de followers, ou d’enfants.

Alors, on se repasse Tonton David ? ? À vous d’en juger.

En clair : foncez, comme vous êtes. En oubliant pas de regarder quelques fois dans le rétro pour profiter du chemin parcouru. Et de sourire, bande de petites fraîcheurs.

Jeannie Phan (illustration 1), Marijke Buurlage (Illustration 2).

L'évaporation de la penderie

« L’important c’est le chemin, pas le voyage en lui-même. » Si cette phrase vous évoque un post Facebook un peu cheesy sur un fond de soleil couchant, sachez qu’elle n’a pas été attribuée à n’importe qui. Elle serait le fait du maître écossais du roman d’aventure, Robert Louis Stevenson. L’auteur de l’Île au Trésor a constamment affublé ses personnages d’objectifs ambitieux mais aussi très personnels, racontant au fil des pages que la poursuite d’une aventure procure un plaisir bien plus grand qu’une happy end au sommet.

Pour le prouver, il a raconté sa propre expérience dans un livre moins connu, Voyage avec un âne dans les Cévennes, où il décrit son odyssée de 200 km entre la Haute-Loire et le Gard. En 1978, un siècle après la mort de Stevenson, l’itinéraire sera homologué en randonnée sous le nom de GR 70, également baptisé « chemin de Stevenson ». Et si elle se trouvait là, la voie de la réussite ?