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Pourquoi c'est si dur de choisir

Il y avait 10 000 options pour commencer ce numéro. On aurait pu commencer par une blague, une citation philosophique ou un théorÚme économique, allez.

Mais comme on est des petits malins, on a dĂ©cidĂ© de crĂ©er notre propre inception : nous avions le choix de vous parler de choix. Ce n’est pas un casse-tĂȘte, c’est une rĂ©alitĂ© : notre Ă©poque nous y oblige, partout et tout le temps. Et devant une sur-abondance de choix Ă  faire ou de dĂ©cisions Ă  prendre, on a souvent l’impression d’ĂȘtre aussi perspicace qu’une poule face Ă  un couteau. 🐔

‍Ok les gars, mais c’est pas nouveau votre truc là. C’est l’histoire de la vie, non ?

‍D’accord, c’est vrai qu’on doit choisir entre le fromage et le dessert depuis la nuit des temps. Il n’empĂȘche, aujourd’hui, mĂȘme notre propre identitĂ© est devenue une affaire de choix, que vous cogitiez sur votre rĂ©sidence principale ou Ă  propos de votre marque de lessive bio. Ça vous fait mal Ă  la tĂȘte ? C’est normal, Barry Schwartz appelle ça « la tyrannie du choix ».

Et, spoiler : ça nous rendrait profondément malheureux. Dans son best-seller intitulé Le paradoxe du choix, ce psychologue américain propose une formule erronée qui explique le mal de notre époque. En général, nos sociétés modernes partent du principe que :  

Vouloir maximiser le bien ĂȘtre des citoyens = Vouloir maximiser leur libertĂ© individuelle = Vouloir maximiser le choix.

En thĂ©orie, la multiplicitĂ© de choix serait une bonne chose car elle nous permet de garder le contrĂŽle de notre vie. Sauf que pour Schwartz, c’est plutĂŽt l’arnaque du siĂšcle. La preuve par 4 :

‍1 - Le choix nous paralyse.

En gros, trop de choix tue le choix. En se projetant dans des alternatives potentielles, on n'arrive qu'Ă  une seule certitude : celle qu'il est impossible de savoir quelle option est "vraiment" la meilleure.

‍2 - Le choix nous coĂ»te.

Daniel Gilbert, professeur de psychologie Ă  Harvard, parle de coĂ»t d’opportunitĂ© aka "Choisir, c'est renoncer". Devant plusieurs options, on se focalise sur les atouts des options que l'on n'a pas retenues. Et tout choix gĂ©nĂšre au final plus de regrets que de satisfaction (cf : vos passages chez le glacier).

‍3 - Le choix nous rend trop exigeants.

Barry Schwartz appelle ça « l’escalade des attentes ». Plus on a d'options, plus nos attentes augmentent vis-Ă -vis de chacune de ces options (cf : quand vous devez choisir un film sur Netflix).

4 - Le choix nous rend fautif.

Qui d’autre que vous pourrait ĂȘtre tenu responsable de ne pas avoir fait le bon choix ? Si vous avez fait le mauvais choix, c'est de votre faute. Et Ă  l'insatisfaction s'ajoute la culpabilitĂ©...

‍

Ok Spoune, ça pue sacrĂ©ment la dĂ©faite. Alors comment sort-on de ce mauvais remake de film d’auteur autrichien ?

‍D’abord en racontant une petite expĂ©rience. À base de confiture !

Cinq ans avant la thĂ©orie de Barry Schwartz, deux autres psychologues ont Ă©tudiĂ© l’impact de la sur-abondance des choix sur nos comportements. Subtilement appelĂ©e « l’expĂ©rience de la confiture », le travail rĂ©alisĂ© en 2000 par Sheena Iyengar et Mark Lepper nous place au rayon marmelades d’une grande Ă©picerie.

Les chercheurs ont placĂ© deux types d’échantillons gratuits de confitures de la mĂȘme marque : un panel de 6 et un panel de 24 🧐 🧐 🧐

D’emblĂ©e, le chaland est plus attirĂ© par le choix le plus large : 60% des gens se laissent sĂ©duire par une dĂ©gustation du grand panel contre 40% du petit. Mais quand il s’agit de passer Ă  la caisse, surprise : les clients confrontĂ©s au grand panel n'arrivent pas Ă  se dĂ©cider. Face Ă  un choix de 24 petits pots, leurs regards se perdent, leur attention s’éparpille, leur prise de dĂ©cision est freinĂ©e.

Alors que les heureux élus du petit panel auront plus de temps pour examiner leurs options, trouver leur confiture préférée... et finalement dégainer leur CB.

RĂ©sultat ? Nous sommes plus heureux quand nous avons moins de choix Ă  faire.

DĂ©cider au milieu d’une multitude de choix gĂ©nĂšre stress et Ă©motions nĂ©gatives. Au point que, bien souvent, on prĂ©fĂšre ne pas se dĂ©cider... ou bien mĂȘme dĂ©lĂ©guer la prise de dĂ©cision..

‍Heureux qui comme Émile


Dans Émile ou De l’éducation, le philosophe français dĂ©crit l’éducation d’un jeune homme fictif dont une grande partie de sa vie est soumise Ă  deux passions simples : manger et dormir. Émile se lĂšve et les choix de sa vie ne sont consacrĂ©s qu’à cueillir des fruits dans un arbre et faire la sieste.

La quintessence du bonheur ? Quoi qu’il en soit, des lecteurs posthumes de Rousseau rĂ©duiront Émile Ă  l'archĂ©type de l’imbĂ©cile heureux. L’imbĂ©cile est heureux prĂ©cisĂ©ment parce qu’il est imbĂ©cile et qu’il n’a pas besoin de se faire des nƓuds au cerveau... ou de prendre des dĂ©cisions compliquĂ©es.

Schwartz ne va pas jusque-lĂ . Mais reconnaĂźt quand mĂȘme que si nous sommes malheureux, c’est parce que nous avons des attentes trop Ă©levĂ©es Ă  propos de nos frĂȘles existences.

D’accord, mais nous, on a quand mĂȘme envie d’ĂȘtre heureux sans ĂȘtre teubĂ©.

Alors, comment on fait pour décider sans friser le burn-out ?

‍

‍1 - Le secret du bonheur ? RĂ©duire nos attentes. On pourrait dire que « tout Ă©tait mieux quand c’était pire » parce que nous pouvions encore avoir de bonnes surprises. Si nos attentes crĂšvent le plafond, on ne sera plus jamais agrĂ©ablement surpris. Revoyez vos ambitions Ă  la baisse et vous verrez que vous pourriez alors avoir mieux que ce que vous espĂ©riez.

2 - Se décentrer.
Nos choix sont aussi influencĂ©s par notre environnement. Choisir n’est pas seulement une affaire de libre arbitre mais Ă©galement de condition sociale, de revenu d’ñge, de sexe etc. Alors, ne vous rendez pas responsable de tout, ça ira beaucoup mieux aprĂšs.

3 - Accepter l’incertitude.
Il n’y a jamais de meilleur moment pour prendre une dĂ©cision. Cessez de penser qu’il y a une raison Ă  tout, le dĂ©sir n’aime pas ça. Une bonne dĂ©cision n'est pas forcĂ©ment systĂ©matiquement "raisonnable". Alors jetez-vous Ă  l’eau, vous vous sentirez mieux.

4 - ArrĂȘter l’autothĂ©rapie.
Vous ne gagnerez certainement pas en maĂźtrise si vous suivez continuellement les meilleures recettes de dĂ©veloppement personnel pour faire Ă©clore vos dĂ©sirs, sculpter votre summer body ou choisir la meilleure reconversion. L'obsession de la perfection multipliera peut-ĂȘtre vos options... mais surtout vos nĂ©vroses.

‍5 - Fixer un seuil de satisfaction. Pour les petits trucs de la vie, faites le choix satisfaisant, et pas forcĂ©ment le choix optimum. Choisissez rapidement, vous ferez peut-ĂȘtre un mauvais choix mais il vous aura Ă©pargnĂ© du temps et de l’énergie.

6 - Trouver votre profil décisionnel
. Ce cher Barry Schwartz (encore lui) décrit deux profils décideurs :

  • Les "maximisers", qui prennent des dĂ©cisions objectivement meilleures mais en retirent une satisfaction moindre
  • Les "satisficers", qui prennent des dĂ©cisions plus rapides (et un peu moins efficaces), mais en retirent une satisfaction accrue.

Perfection ou efficacité, à vous de voir ce que vous préférez.

Crédits images : Yukai Du, Lucas Wakamatsu

L'Ă©vaporation de la penderie

Geoff Dyer est un jeune auteur talentueux, plein d’énergie et dĂ©terminĂ© Ă  Ă©crire une thĂšse sur l’écrivain britannique DH Lawrence. Le problĂšme, c’est qu’il veut aussi Ă©crire un roman, quitter Paris, peut-ĂȘtre rejoindre sa copine Ă  Rome ou mĂȘme faire un tour du monde. Dans son livre autobiographique intitulĂ© Out of Sheer Rage, Geoff Dyer peint le portrait d’un homme tourmentĂ© par ses choix, incapable de se mettre Ă  la tĂąche parce que tout un tas de d’autres choses peuvent se soustraire Ă  ce qu’il avait prĂ©vu Ă  la base. Un bouquin Ă  emmener Ă  la plage cet Ă©tĂ© quand vous vous demanderez si vous avez bien fait de partir plutĂŽt que de rester chez vous alors que c’était peut-ĂȘtre la premiĂšre fois de votre vie que vous auriez pu trouver une place de parking au pied de l’immeuble.