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Peut-on télétravailler de l'étranger ?

Votre boss : « Coucou c’est moi ! Le déconfinement, ça avance. Encore quelques semaines et tu vas enfin pouvoir revenir au bureau 

— Vous : 😱 » 

Cette fois, le retour au bureau se précise et pourtant… vous vous en sentez bien incapable. Lors du premier confinement, vous avez appris à enchaîner réus sur la table du salon et brainstormings dans le canapé 🛋 — sans oublier les webinars à la cuisine. Ces derniers mois, vous avez peaufiné vos Excel à Honfleur et fignolé des prez depuis le Perche. Mais maintenant, vous voulez voir encore plus loin :

Vivre entre Paris et le Portugal et payer vos impôts en Estonie tout en bossant pour une boîte allemande.  

Bref, vous rêvez de nomadisme digital et de Yolo Economy : lassé de votre boulot et confortablement installé sur le joli matelas d’épargne accumulé cette année, vous rêvez plus grand et avez diminué votre aversion au risque. Du coup, vous voulez le fromage et le dessert, le beurre et l’argent du beurre, le salaire londonien, le loyer hongrois et l’ensoleillement andalou. 

Alors, comment faire pour devenir le Jason Bourne du monde du travail (et accessoirement ne plus jamais voir votre boss qu’en visio) ?

C'est quoi le nomadisme digital ? 

Si on vous dit qu’entre Internet, l’espace Schengen, les vols low-cost et les libéralisations de visas, il n’a jamais été aussi facile de voyager ? Vous allez nous dire “Thank you Captain Obvious”. 

Ceci dit… Même si la pandémie a un peu compliqué les choses, aujourd’hui, des millions de personnes travaillent sans avoir de bureau, ni même vivre dans une ville ou un pays fixes. Certes, la plupart sont des indépendants. Mais même les entreprises se mettent de plus en plus au 100% distanciel. La question ne sera bientôt plus oui ou non, mais plutôt : où et combien de temps ?

Les derniers mois l’ont prouvé : en dépit des réticences initiales de votre patron, travailler de la maison de campagne de votre pote Marine ou d’un Airbnb à Lisbonne n’a aucun impact négatif sur la qualité de votre travail. Au contraire, ça a un impact très positif sur votre santé mentale.

Alors, pourquoi rester à un seul endroit si on peut travailler de n’importe où, pour peu que le wifi soit correct ?

Les meilleurs spots pour planter sa tente digitale ? 

⛳️ Les incontournables 

Il y a les grands classiques : le Canada terre d’accueil, Londres la ville-monde, le hygge de Stockholm ou Copenhague. Et les invités surprises, comme la Roumanie. Vu les prix moyens de la connexion Internet et du loyer, Bucarest mérite largement son surnom de “ville de la joie”.

🌎 Ceux qu’on ne voit pas venir mais qui ont tout compris 

Dans certains pays, on n’a jamais eu de pétrole, mais on a des idées pour accueillir les têtes bien faites. Quelques exemples :

  • Portugal, République tchèque, Barbade Croatie : ces pays délivrent un “visa de travail numérique” : pour peu que vous remplissiez les critères (revenu suffisant, casier judiciaire vierge, assurance voyage), vous pouvez y obtenir un visa d’un an assez facilement.
  • Géorgie : un test PCR négatif, un revenu minimum de 1670 euros par mois… et voilà, vous êtes éligible au programme d’accueil des nomades numériques Remotely from Georgia . Et pour vous, c’est par Tbilissi la sortie. 
  • L’Estonie : le pays qui a créé Skype dans les années 2000 avait peut-être eu la prémonition que le télétravail deviendrait un jour la norme. Alors en 2014, ils ont créé une e-residence pour entrepreneur. A toutes fins utiles, sachez que :
  • Vous n’êtes pas tenu d’y séjourner.
  • L’impôt sur le revenu est de 20% à Tallinn. Et pour tout le monde.
  • Vous y coupez à 100% (oui oui) si vous réinjectez vos bénéfices dans votre entreprise 💰Enregistrer son entreprise se fait (littéralement) en quelques clics. La gérer aussi. 
  • Enregistrer son entreprise se fait (littéralement) en quelques clics. La gérer aussi. 

Cette petite prouesse de digitalisation du service administratif a permis à l’Etat estonien d’engranger 17 millions d’euros en 2020 ; c’est peut-être un détail pour vous, mais pour un pays d’à peine plus d’un million d’habitants, ça veut dire beaucoup.

🌴 Les exotiques 

Alors oui, c’est mignon l’Estonie, mais on ne peut pas s’y promener à dos d’éléphant ni faire du buggy dans le désert.

Voici quelques destinations où vous serez sans doute un peu moins productifs… mais où il y a de quoi se faire de vrais kifs.

(Petit rappel: ces pays plus ou moins autoritaires restent très, très sévères avec les étrangers qui s’y croient tout permis, et on va dire que la sécurité juridique n’est pas vraiment leur point fort).

Bali :
Mecque des surfeurs et de quiconque a envie de find oneself, la capitale touristique de l’Indonésie s’est habituée au fil des années à devenir une seconde maison 🏡 C'est toujours bon marché et l’offre de résidences, espaces de co-working et autres incubateurs n’a fait que s’étoffer.

Chiang Mai :
la grande ville du nord de la Thaïlande devient l’un des rendez-vous des nomades numériques. Coût de la vie modeste, exotisme tropical et Pad Thaï, loin des stations balnéaires un peu glauques du sud du pays : de plus en plus de start-ups y fleurissent.

Dubaï :
il n’y a pas que les Marseillais qui y partent en virée... Depuis fin 2020 vous pouvez prétendre au Virtual Teleworking Program (visa et droit de résidence d’un an, pour 237 euros et des revenus mensuels supérieurs à 5000 dollars). L’avantage qui fait la diff’ ? Vous bénéficierez de la générosité locale en matière d’imposition : zéro impôt sur le revenu, et zéro sur les sociétés.

La théorie des 5 drapeaux, ou comment devenir Jason Bourne

Pour être sûr qu’un concept devient à la mode ? Il suffit de regarder le nombre de bouquins qui lui sont consacrés à la Fnac. Sur le Digital Nomadism, il y en a plein. Et en voici quelques résumés :

  • La théorie des « Trois drapeaux » de Harry S. Schultz, pour qui vous devez avoir un premier passeport dans votre pays d’origine, un deuxième passeport et une adresse dans un pays fiscalement accommodant, ainsi qu’un troisième point de chute pour vos actifs financiers.
  • Dans Emergency, Neil Strauss (surtout connu pour son mythique guide ultime de séduction : The Game) rajoute à ces trois premiers drapeaux deux autres drapeaux : un pays où vous gagnez effectivement votre argent, et un cinquième où votre agilité financière vous aura permis de vous offrir une belle résidence secondaire.

Ce qui donne :

  • Citoyenneté/passeport : choisir un pays qui n’impose pas l’argent gagné en dehors de ses frontières (ce qui élimine les Etats-Unis). Un passeport apprécié des pays étrangers (Suisse, UE) peut servir aussi.
  • Résidence légale : choisir un pays fiscalement accommodant. Il parait que c’est pas si badant le Luxembourg.
  • Business base : choisir un pays où mes revenus seront gagnés, donc avec un impôt sur les sociétés minimal ! On vous l’a dit, l’Estonie c’est le new place to biz.
  • Asset haven : choisir un pays où vous situerez vos actifs, donc avec une taxation du capital bien basse. Vous aimez les gaufres et les moules-frites ?
  • Terrain de jeu : choisir un pays avec de jolies incitations à l’achat de propriété (Portugal, maisons en Italie à 1 euro) et une TVA à ras du sol.

Exécuté à la perfection, ce plan vous permettrait d’être taxé nulle part, et de minimiser le poids de l’Etat dans votre vie. Bref, le croisement ultime entre Jason Bourne et Jérôme Cahuzac. Attention cependant : il y a fort à parier que vous deviez expliquer au fisc votre intérêt soudain pour le hareng de la mer Baltique.

La fiscalité en France est ainsi faite que si vous opérez un montage dans le seul but d'éviter l'impôt… vous serez taxé dessus!

Plus les pénalités, les intérêts de retard, et on en rajoute une louche si on vous considère de mauvaise foi. Alors attention : votre situation juridique doit refléter votre situation réelle.

Le backpacker VS le millionnaire, deux salles deux ambiances

Après le merveilleux tour du monde que nous avons offert ci-dessus, revenons sur Terre. Cette douce folie nomade a des avantages, mais aussi un coût :

  • Imaginez-vous en jeune actif plein d’avenir, avec une source de revenus sûre mais modeste. Les dépenses liées à votre nomadisme (avion, loyer) sont des coûts qui ne peuvent être compensés que par vos revenus. Vous vivez au rythme des guitares et du wifi, mais soyez prêts à vivre d’amour et d’eau fraîche avant la fin du mois. Sans parler du retour au pays, où banques, assurances, propriétaires et employeurs risquent de vous regarder avec de grands yeux ronds. Ou bien ne jamais rentrer ? Après tout Jack Sparrow n’était pas fait pour la terre ferme...
  • Imaginez-vous en Largo Winch, avec une source de revenus sûre mais pas modeste du tout. Non seulement votre loyer roumain ou estonien vous offre un cadre autrement plus attrayant que votre clapier francilien, mais votre salaire rondelet vous permet d’épargner sous ce drapeau ou un autre.Mieux encore, vous êtes déjà propriétaire d’un bien, ou détenteur d’une rente qui vous garantit une rentrée régulière.

Le Digital Nomadisme, comme aiment à le dire ses adeptes, ce n’est pas une pratique de travail, c’est un état d’esprit. Et ce dernier dépend tout de même de la situation de chacun. Si vous n’êtes pas dans le cas de figure de Largo Winch, une option possible serait d’investir dans un bien avant de prendre le large. Vous aurez une attache au moins dans un port… et des revenus locatifs.

Le digital nomadisme : est-ce pour tout le monde ? 

Ulysse a fait un beau voyage entre Troie et Ithaque (et il a un peu pris cher au passage, aussi), mais il était content de rentrer enfiler ses charentaises sous le regard attendri de Pénélope. Oui, la vie de nomade est romanesque, mais pas forcément de tout repos :

  • Dépendance absolue au matériel et au wifi. Une coupure d’électricité, un réseau social censuré et votre vie de bureau vire au cauchemar.
  • Lutte intérieure entre vous et l’Incertitude, entre le mois vache grasse et le mois pain noir. On peut dire ça de tout travail free-lance, mais un revers de fortune est plus simple à lisser quand on maîtrise tous les paramètres de son pays de résidence. Vous savez dire “je te rembourse demain” en géorgien?
  • Ultramoderne solitude. Équiper une vie sociale de portes battantes et de Google Translate, c’est sympa en Erasmus, mais un peu frustrant en début de trentaine. Vous pourriez également vous sentir las de rencontrer, finalement, beaucoup de gens comme vous : nomades, digitaux, branchés sur le wifi du seul café de Chiang Mai qui fait du Latte Art. « Tu as Internet, toi? » — on a vu mieux comme accroche.
  • Phobie administrative. Vous m’direz, dans l’Hexagone c’est parfois tout aussi laborieux, mais cinq drapeaux cinq dossiers santé, impôts année X-1, caution, bail, etc.
  • Mal du pays : là encore, vous pouvez vous retrouver à trop embrasser cinq drapeaux, mais à tous mal les étreindre.
  • Discipline personnelle : au bord de l’eau, soleil tapant, margarita à 1 euro🍹, il faut une motivation en béton pour s’y mettre. Mais également pour s’avoir s’arrêter, c’est aussi ça le revers de la vie “sans horaires”.

L'évaporation de la penderie

On l’avoue, il y a quelque chose d’un peu crispant dans la figure du digital nomad, dont la capacité à donner des leçons surtout est à la hauteur de son empreinte carbone. Alors voici un véritable artiste du genre, le saint patron des nomades, l’Arsène Lupin des lounges d’aéroport: Ben Schlappig.

Depuis ses 16 ans, Ben a fait de son hobby sa vie : prendre l’avion à l'œil, en profitant de toutes les failles des programmes frequent flyers des compagnies aériennes. Il a commencé par engranger des miles avec des paiements qu’il annulait par la suite (il possède une quarantaine de cartes bancaires), puis il a tiré le fil, pour passer en moyenne six heures par jour à 30 000 pieds. Mais bon, tout ça, c’était avant le confinement et le flygskam… 

Crédits images : Alexander Vidal (Illustration header), Charlie Davis (Body 1),Jeannie Phan (Body 2), Riikka Laakso (Illustration uppercut)