Peut-on vivre sans argent ?
Temps de lecture : 5 min
Top ! Je suis la 2e cause de divorce, le premier motif de dispute familiale et aussi une bonne source d’embrouilles entre potes. Je suis, je suis ? Le Risk ? Raté. Les enfants ? Rhoo, non (vous exagérez).Je suis… l’argent 💸
Eh oui, et si finalement, c’était lui, le problème ? Et si on essayait de faire sans ? Tel un cavalier sans cheval ou un jardinier sans soleil, aujourd’hui, Spoune imagine l’impossible pour une newsletter sur l’argent : on se demande si on peut vraiment vivre sans 🤔
Vivre sans argent ?! Spoune, mais vous êtes fous ?
Plus que fou : hérétique, même. C’est très probablement ce qu’aurait décrété un monarque de droit divin back in the days. Pourquoi ? Parce que l’argent a longtemps été un instrument essentiel du pouvoir, notamment en France :
- 1270 : Louis IX introduit l’écu. Le droit de battre monnaie devient réservé au Roi (pour asseoir son autorité sur les seigneurs locaux) 🪙
- 1290 : Philippe Le Bel se fait représenter sur les pièces. Son minois se glisse dans toutes les poches du royaume (à une époque où les images étaient ultra-rares) 👤
Fun fact : le même principe qui permet à Philippe Le Bel d’asseoir son pouvoir causera la perte de Louis XVI. En 1791, en fuite après le révolution, il est reconnu grâce à son effigie sur une pièce. Comme quoi, la monnaie, c’est vraiment à double face…
Au Moyen-âge, la monnaie permet au Roi d’imposer son ordre du monde. Vivre sans argent (ou utiliser une autre monnaie), c’est donc vouloir échapper à l’autorité…
Des monnaies qui échappent aux États ? Ah, ça y est Spoune, vous allez enfin parler de cryptos !
Oui… mais pas que ! Car il y a deux grands types de projets de monnaies alternatives :
À l’échelle globale : les cryptos ⛓️
Le but des cryptos ? Créer un système monétaire décentralisé et échappant au contrôle des États grâce à la blockchain. Sauf que l’intérêt d’une monnaie, en général, c’est :
- la stabilité : la valeur d’une monnaie doit être relativement constante dans le temps (pour éviter la grande méchante inflation)
- la facilité d’échange : même si les entreprises qui acceptent les cryptos sont de plus en plus nombreuses, la flat tax de 30 % en France reste un sacré obstacle
Pour l’instant, les cryptos sont davantage un produit d’investissement qu’une monnaie d’échange. Et de l’argent qui n’achète rien, est-ce vraiment de l’argent ? (On pose la question).
À l’échelle locale : les monnaies complémentaires 💰
Y’a pas que les cryptos ! Plus craft, plus local, il y a aussi les monnaies locales complémentaires (MLC). En France, elles sont autorisées depuis 2014 et elles ont souvent des noms plutôt rigolos :Abeille de Villeneuve-sur-Lot, Bulle d’Angoulême, Cagnole d’Auxerre, Cairn de Grenoble, Cigogne de Mulhouse, Eusko du Pays Basque, Gonette de Lyon, Roue du Vaucluse, Trèfle du Périgord… Elles fonctionnent selon plusieurs principes :
- parité : 1 MLC = 1 euro (ou monnaie en vigueur). Parce que calculette = mal de tête
- engagement : les euros échangés contre des MLC financent des projets d’intérêt général
- complémentarité : commerçants ou clients peuvent toujours payer dans les deux monnaies
- limite géographique : le but est bien de favoriser l’économie locale et les circuits courts
- la “fonte” : pour favoriser leur circulation (et éviter qu’on les planque sous le matelas), elles se dévaluent doucement dans le temps (de l’ordre de 1 % tous les 3 ou 6 mois).
Est-ce que ça marche ? Oui ! Il y a quelques exemples très convaincants :
- la WIR 🇨🇭 : créée il y a 80 ans, c’est une monnaie inter-entreprise particulièrement efficace en période de crise
- la Bristol Pound 🇬🇧 : née en 2012, elle permet même de payer ses impôts locaux (et de payer le salaire du Maire)
- la Banco de Palmas 🇧🇷 : qui permet à 350 000 utilisateurs des quartiers pauvres de bénéficier de réductions chez les commerçants
- la Fureai Kippu 🇯🇵 : une monnaie-temps intergénérationnelle qui récompense les jeunes Japonais qui aident les seniors
Et en France ? Pour l’instant, les monnaies locales représentent environ 5 millions d’euros – sur 1,5 milliard de monnaie en circulation, soit 1/300€, pas si mal ! Mais pour autant, beaucoup de projets restent fragiles : après une grande mode au début des années 2010, beaucoup ont été interrompus – dont l’emblématique Totnes Pound vue dans le film Demain 🌳
You got me, Spoune : ces vacances-ci, j’oublie tout – y compris ma thune
Vivre carrément sans argent ? Ça, c’est ambitieux. L’exemple le plus connu, c’est évidemment l’expérience de Henry Thoreau quand il se réfugie dans une cabane dans les bois à Walden. Son but ? Adapter son mode de vie et ses goûts pour aller vers plus de sobriété et atteindre l’autosuffisance alimentaire.Aujourd’hui, des petits Thoreau, il y en a un peu partout :
- Bjorn Duval, pape de l’autosuffisance 🥇
- ce jeune diplômé parti en mode Into The Wild 🐻
- ces villages sans argent des Pyrénées-Orientales ⛰️
Ah bah super, si c’est pour être esclave de ses poules…
Retournons à la question : et si c’était plutôt de l’argent dont on était esclave ? Comme dit Ryan Holiday :
“Les gens qui commencent à gagner de l’argent n’en ont jamais assez.”
On en avait parlé ici : en grande partie, l’argent rend libre. Il élargit les options et permet d’obtenir très rapidement des choses qu’on mettrait énormément de temps à produire soi-même : construire une maison, faire pousser des tomates, tricoter un pull…🧵
Mais pour autant, il faut se méfier du double prix des choses qu’on achète :
- le coût en argent
- le coût en temps passé à gagner cet argent
Thoreau en donne justement un exemple génial dans Walden : ne travaillant pas, il consacre son temps libre à construire sa propre maison. À l’inverse, son voisin veut profiter de la “modernité” et boire du café. Or le café, ça ne pousse pas dans le Massachusetts… Pour en acheter, il faut donc un salaire, et pour avoir un salaire, il faut travailler. Et quand on travaille beaucoup, on boit souvent beaucoup de café…Et pendant tout ce temps passé à travailler, le voisin de Thoreau n’a pas le temps de construire sa maison, il est doublement prisonnier des pièges du loyer et du café ☕
Ce qui nous rappelle cette belle maxime de Sénèque :
“La pauvreté, ce n’est pas avoir peu, c’est vouloir plus.”
Il y a sans doute peu de décisions aussi radicales que de décider de vivre sans argent. Tenter l’expérience, même pour une courte période de temps, peut vraiment changer votre regard sur pas mal de choses. Et en tout cas, ce qui est sûr, c’est que même sans argent, vous pourrez toujours lire Spoune ! (enfin, à condition d’avoir un ordi, l’électricité, une freebox ou autre accès Internet… good luck !) 🥄
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Boîte à Spoune
Pour vivre heureux, vivons fauchés ? Voici quelques pistes pour partir sans votre CB cet été :
- Geev : comme Le Bon Coin, sauf que tout est gratuit
- Woofing : une sorte de FermeBnB sauf qu’à la place de payer, vous bossez pour un fermier
- Ou encore les 23 manières de payer sans argent dont on vous avait parlé en début d’année !